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28 septembre 2003

Les conséquences comptables et fiscales du passage à l'Euro pour les entreprises

Publié par Edouard Salustro | N° 12 - L'Euro : Un défi pour la France

par Edouard Salustro, Président de Salustro-Reydel


L’introduction de l'Euro va modifier en profondeur les habitudes des entreprises, et pourtant peu d'entreprises 'ont réellement apprécié l'ampleur des bouleversements liés à l'Euro. Les grands problèmes qui vont se poser aux entreprises sont essentiellement des problèmes de nature psychologique et de marketing, même si les entreprises semblent sous-estimer ces aspects.

En effet, les références habituelles tombent : il vu falloir revoir la politique de tarification et de communication des prix. Comme le citait un article paru dans le Monde : « les prix soigneusement étudiés pour atteindre 90, 90 F ou 1999 F, vont perdre toute signification, une fois convertis en Euros ». Les salaires vont paraÎtre plus faibles une fois convertis en Euros.

Les entreprises devront ainsi judicieusement choisir leur date de passage à l'Euro en fonction de leur environnement (partenaires économiques) et de leurs contraintes internes (notamment liées à la difficulté de gérer deux monnaies en parallèle). Elles doivent être prêtes à assumer un certain nombre de chocs psychologiques, elles doivent avoir établi un plan de communication à l'égard de leurs partenaires : fournisseurs, clients, sous-traitants, salariés.... et rebâtir une politique marketing.
J'insisterai maintenant sur les aspects comptables et fiscaux tels qu'ils ressortent des réflexions de la profession comptable, mais également du CNPF.

La fiscalité

L’introduction de la monnaie unique accentuera encore la pression pour une plus grande convergence à la baisse de la fiscalité. L’Euro rendra immédiates les comparaisons. Les effets conjugués de la disparition des frontières et de l'introduction d'un même instrument de mesure, l'Euro, rendront aux entreprises et aux particuliers une liberté de choix qui facilitera à moyen terme l'harmonisation des régimes fiscaux.

De façon très concrète et à court terme, les modalités de passage à l’Euro doivent rapidement être fixées par l'administration fiscale, de façon à permettre à toutes les entreprises, notamment celles qui n'ont pas encore réfléchi aux modalités d'adaptation, de se préparer :
Sur le plan matériel tout d'abord
• Mise à jour des textes législatifs et réglementaires
• actualisation des modèles de déclarations fiscales
• détermination des modalités de déclaration et de paiement des impôts.

Sur le plan de la détermination



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Figure n°1 :


de la base imposable ensuite :
• les gains de change latents étant déjà taxés, la fixation irrévocable des taux de change ne devrait pas entraîïner de bouleversement majeur.
• sort des dépenses liées à l'Euro immobilisation (incidence en matière de taxe professionnelle) ou charge, possibilités de déduire les provisions passées comptablement, possibilités d'étaler...
• sort des gains ou pertes liés aux arrondis (qui peuvent devenir matériels).

Les difficultés comptables

En matière comptable, on peut identifier quatre grands types de problèmes :
• Tenue des comptes : elle est régie par l'article 16 du Code du Commerce: « les documents comptables sont établis en Francs et en langue française ».
Cette disposition semble à première vue faire obstacle à la tenue en Euros des comptes dès 1999, en l'absence de modifications législatives. Selon l'interprétation qui en a été faite par M. Terray (cabinet Gide), la substitution de l'Euro au Franc ne devrait pourtant pas rendre nécessaire de modification législative dès 1999 pour permettre à certaines entreprises de tenir leurs comptes en Euros -« la conversion ne sera pas une opération de change... Elle se fera de manière parfaitement automatique. Il n'y aura donc pas de cohabitation des monnaies, mais une monnaie à part entière, l'Euro, et des subdivisions, à savoir les monnaies nationales. » L’option prise par certaines grandes entreprises de passer dès 1999 à la tenue des comptes en Euro pourrait donc être réalisée sans difficulté majeure. Par contagion, elle pourrait s'étendre aux entreprises se situant dans leurs sphères d'influence (sous-traitants).
En tout état de cause, le projet de loi « DDOEF » présenté le 25/2/98 au Conseil des Ministres devrait supprimer cet obstacle en modifiant l'article 16 du code de commerce, de façon à offrir aux entreprises la possibilité d'établir leurs comptes en Euros.
• Dettes et créances en devises entrant dans la zone Euro : le problème se pose de savoir si l'écart de conversion calculé par rapport aux parités fixées irrévocablement le 4 janvier 1999 doit être pris en résultat au 31.12.1998 ou non.
La tendance européenne actuelle est de considérer que la perte ou gain de change est réalisé à la clôture 1998.
• Comptabilisation des dépenses liées à l'Euro : le Comité d'Urgence du CNC a rendu un avis en la matière. Les dépenses qui n'auront pas un caractère immobilisable feront



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Figure n°2 :


l'objet de provisions dans des conditions très strictement définies.
Doivent être provisionnées les dépenses futures
﷓ déjà décidées,
﷓ clairement identifiables,
﷓ dont le montant ne peut être définitivement fixé mais peut être prévu avec une précision suffisante,
﷓ ne correspondant pas à l'affectation de moyens existants,
﷓ ne pouvant être rattachés à l'exploitation courante mais ayant pour seul effet d'adapter l'entreprise aux conséquences directes de l'événement exceptionnel que constitue le passage à la monnaie unique.
L'avis ainsi rendu s'inscrit dans le cadre actuel des règles françaises. Il n'interdit pas les provisions mais tend à les restreindre de manière significative.
• Traitement des écarts de conversion dans les comptes consolidés : les écarts de conversion liés à la conversion des états financiers des filiales situées dans la zone Euro antérieurement constatés dans les capitaux propres, devront﷓ils être maintenus ou pourront﷓ils être imputés sur les réserves ou constatés en résultat?

En l'état actuel des réflexions, la tendance est plutôt de maintenir ces écarts de conversion séparément dans les capitaux propres. On ne peut cependant négliger le poids de certaines entreprises qui, désireuses de nettoyer les comptes sans impacter le résultat, souhaitent priviligier une imputation sur les réserves.

L’implication de la profession comptable pour aider les entreprises à intégrer toutes les dimensions de l'introduction de l'Euro

En liaison avec ses partenaires (entreprises, banquiers, pouvoirs publics, chambres de commerce ... ) la profession a décidé de mettre en place un groupe de travail chargé
• d'identifier les problèmes de toute nature qui pourront se poser aux entreprises (autres que psychologiques), par exemple : quelles sont les implications de la décision de passer à l'Euro ? Comment conseiller les entreprises sur le choix du moment à retenir pour passer à l'Euro? Comment gérer la période transitoire?

• de proposer aux pouvoirs publics les mesures à prendre pour faciliter l'introduction de l'Euro.
Il s'agit également d'assurer un rôle de veille : écoute des problèmes pratiques des acteurs économiques, attention particulière aux solutions préconisées dans les autres pays européens... de façon à proposer les solutions les plus adaptées aux problèmes concrets.

Autrice

Edouard Salustro

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