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14 février 2004

Les fondamentaux de I'économie française

Une observation liminaire: on nous propose comme titre «Ia France» comme une personne. Je suis impressionné par le fait que, dans le même temps, nos amis Allemands ne sont préoccupés que de la compétitivité du site industriel allemand : Heimat et pas Vaterland, PIB et pas PNB.

Le problème aujourd'hui posé à la France est le suivant: il y a un environnement, et nous avons un taux de change. Et, avec ces deux données, nous devons voir comment, avec nos exportations, nous pourrons augmenter nos facultés d'importation, notre production et nos emplois.

Première donnée: l'environnement économique. Nous n'y pouvons rien, ce n'est pas nous qui faisons la conjoncture du monde. Nous savons que cette conjoncture est dans la phase d'une reprise ultra﷓classique, à la nuance près que la reprise est déjà très avancée aux États-Unis et que la récession commence à peine au Japon. À côté de nous, l'Allemagne se trouve dans une situation qui risque de demeurer longtemps difficile. Par conséquent, nous n'avons pas à espérer que les marchés globaux auxquels nous nous adressons auront une reprise vigoureuse. Mais ces marchés auront une croissance au moins analogue à celle que l'on a constatée dans les mois et dans les trimestres qui viennent de s'écouler.
Deuxième notion très nouvelle pour la France: depuis le début de 1987, la France a opéré un changement historique; nous sommes entrés dans une stabilité des prix comme nous n'en n'avions pas connue, sauf à remonter avant 1914. Et ce changement s'accompagne d'une stabilité de notre change par rapport au DMark 3,39 DEM/FRF - je parle de chiffres moyens. Et ceci sera tenu. Cette conviction s'affirme de jour en jour, ce que nous indique le rapprochement des taux d'intérêt entre les deux monnaies. C'est dans ce cadre que nous avons à examiner la compétitivité française.

La donnée de base, ce sont les coûts salariaux comparés au taux de change existant, car lorsque l'on évoque les différences de coût salarial d'un pays à un autre en termes de moyenne, ça n'a de sens - évidemment - que par un change. Les coûts salariaux français sont actuellement très inférieurs aux coûts allemands, inférieurs aux suisses, inférieurs aussi depuis peu de temps aux japonais et inférieurs aux belges. ils sont égaux aux hollandais, mais supérieurs à ceux de tous les autres pays. C'est cela la donnée. On part dans la compétition avec un avantage par rapport à un certain nombre de compétiteurs et avec un désavantage par rapport à un grand nombre. C'est le challenge. La question est de savoir si nos capacités à produire, à vendre et à inventer nous permettent de gagner des parts de marché avec ces conditions de prix. Ce jeu est pour nous relativement nouveau. Mais pour nous y adapter, nous avons commencé déjà depuis un certain temps, par améliorer nos productivités et nos gestions dans des proportions considérables.

Nous avons amélioré toutes nos facultés de compétition dans les secteurs en recul : agriculture, textile, habillement, sidérurgie, charbonnage, etc. Nous réduisons dans ces secteurs nos effectifs de quelque chose comme -25%, tous les 7 ou 8 ans. Et ainsi nous nous allégeons - nous ne sommes pas un pays frileux qui recule devant la compétition extérieure - nous nous transformons en fonction de celle-ci, ceci aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Et tous nos compétiteurs n'ont pas fait la même chose, même de l'autre côté du Rhin.

Dans les secteurs en expansion, là, les choses sont différentes. Le secteur privé a fait des progrès de gestion tout à fait remarquables, que nous voyons de façon éclatante dans les résultats des entreprises automobiles comparés aux résultats des entreprises automobiles du reste de l'Europe, à une ou deux exceptions près en Allemagne. Nous pourrions multiplier les exemples dans d'autres secteurs. Le secteur public dans les secteurs en expansion n'a pas, jusqu'à maintenant, fait les progrès qui sont nécessaires; c'est ce qui est en cours mais nous n'en bénéficierons pas dans la période prochaine. Avant de redresser Air France, il faut plus de temps que l'horizon que nous regardons ici. À partir de là, les produits français gagnent, à partir de coûts, à partir d'images, à partir de techniques.

Le problème crucial posé à la France mais également à l'ensemble du monde occidental est clair. Nous avons, en France et dans le monde, une surabondance de force de travail ; nous avons, en France et dans le monde, une surabondance d'épargne; nous avons une rareté d'entrepreneurs, au sens précis du terme qui est la rareté d'agents économiques capables d'innovation, c'est-à-dire de découvertes de marchés nouveaux. C'est là le goulet d'étranglement. Dans un monde riche, de plus en plus riche, il faut trouver les marchés qui se développent et s'y spécialiser. Nous avons commencé à le faire en France, certaines de nos firmes le font, et c'est de ce côté-là que nous avons à espérer, à partir des bases que j'ai évoquées, élargir nos parts de marché au cours des prochains trimestres. Regarder au cours des prochaines années serait un sujet plus vaste qui m'aurait obligé à regarder aussi d'autres problèmes.

Jacques Plassard
Président de la Sedeis

Autrice

Jacques Plassard

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