Liste des numéros
N°HS

Quelles reprise pour l'économie française ? (Actes du collloque du 1er février 1994)

01 février 1994

Éditorial

Discours d'ouverture

Mesdames, Messieurs, Monsieur le Sénateur,

Permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter la bienvenue dans ce cadre prestigieux. Lieu de réflexion, de décisions, attentif au passé mais certainement tourné vers l'avenir, le Sénat est une enceinte qui nous a paru tout à fait appropriée au thème du colloque: «Quelle reprise pour l'économie française ? ».

Ce colloque s'inscrit dans le cadre des Entretiens de la Prévision. « Les Entretiens de la Prévision » se veulent un moment privilégié d'échanges. Orientés vers la prospective, ils entendent apporter sur les sujets traités un éclairage nouveau sur les évolutions longues de notre paysage et contribuer ainsi aux choix stratégiques des acteurs du monde des affaires. Analyser et prévoir pour décider: tel est le but de ces rendez-vous annuels.

Il était naturel que l'Association des Anciens Élèves de l'Ensae ait voulu apporter sa contribution dans ce domaine. En effet, l'Ecole Nationale de la Statistique et de l'Administration Économique délivre une formation unique en France, avec pour vocation première de former des statisticiens et des économistes. Appréciés pour leur capacité à mêler analyse et prise de décision, les Anciens Élèves de l'Ensae occupent aujourd'hui des postes de haut niveau dans tous les secteurs de l'économie, publics et privés. À cet égard, le thème retenu pour le colloque de cette journée nous a paru particulièrement approprié et très certainement au cœur de leurs préoccupations, ainsi que de celles de tous les décideurs économiques.

En matière économique, financière mais aussi géo-politique et stratégique, la dernière décennie a été fertile en événements majeurs. Pour en citer quelques-uns: guerre du Golfe, chute du mur de Berlin, réunification de l'Allemagne, ouverture de l'Europe de l'Est et plus particulièrement de la Russie... Les indicateurs récents suscitent par ailleurs des préoccupations, des interrogations, parmi d'autres: la récession dans un grand nombre de pays industrialisés, les déficits croissants des régimes sociaux, ou l'avenir de l'Union Européenne. Mais sans aucun doute, les effets de ces changements importants dépassent le cadre de l'analyse de court terme. Ainsi, globalisation et libéralisation des marchés financiers, interdépendance croissante des économies, contrainte démographique toujours plus forte, montée en puissance des pays à faibles coûts de main-d’œuvre et persistance d'un sous-emploi durable, nous font nous demander si ce n'est pas la nature même de la croissance qui est en train de se transformer dans les pays industrialisés. D'où la question de cette journée: quelle reprise pour l'économie française ?

Notre matinée sera consacrée à la finance au service de l'économie. Le développement et la libéralisation spectaculaires que les marchés financiers français et internationaux ont connu depuis le milieu des années 1980 ont certainement facilité le financement tant des entreprises que de l'Etat. Mais, comme a pu le montrer la crise des changes de l'été 1993, ces mutations pourraient également avoir contribué à accroître l'instabilité de l'horizon financier et à compliquer les prises de décisions. Par ailleurs, on peut se demander si la mobilité accrue des capitaux n'a pas favorisé dans une certaine mesure une rémunération durablement élevée de l'épargne ? C'est en analysant les mutations observées depuis le début des années 1980 que nos trois premiers intervenants s'efforceront de répondre à ces questions d'actualité.

L’année passée a été marquée par la rupture financière qui s'est traduite par l'élargissement des marges de fluctuation au sein du SME et également par l'apparition d'une certaine détente des taux d'intérêt. Quelles en seront les conséquences sur la reprise économique? Doit-on s'attendre à une modification de l'équilibre épargne-consommation des ménages? La réorientation de l'épargne vers des placements à durée plus longue permettra-t-elle un meilleur financement aux entreprises? Ce seront là quelques-unes des questions que nous aborderons au cours de la seconde table ronde de cette matinée.

Nous avons appris tardivement que Monsieur Alphandéry ne pourra pas nous rejoindre; il sera remplacé par Monsieur Pelletier, chargé de mission auprès du Ministre de l’Économie, qui conduira cette matinée en analysant les contraintes financières qui influencent les options économiques de notre pays.

Après le déjeuner, l'après-midi sera consacré à l'étude des forces et des faiblesses de la France dans l'optique d'une reprise économique. Les caractéristiques de la sphère réelle conduiront-elles à une reprise modérée et hésitante? Ou bien, au contraire, peut-on s'attendre à une accélération durable de la croissance tirant parti des bons fondamentaux de l'économie française ? Ce sera notre orientation générale.

Pour introduire cette seconde partie, nous aurons le plaisir d'accueillir Monsieur Malinvaud, Professeur au Collège de France, qui apportera une perspective européenne de long terme à nos réflexions.

La première table ronde analysera les atouts et handicaps de la France dans la compétition commerciale qui, désormais, s'exerce à l'échelle mondiale. Dans un contexte où les pôles de croissance ont évolué rapidement, avec notamment la montée en puissance des pays dits «émergents», le niveau de concentration et le degré de spécialisation des entreprises exportatrices françaises les mettent-elles en bonne position face à leurs concurrentes? Les performances remarquables du commerce extérieur observées depuis le début des années 1990 permettent-elles d'anticiper une croissance durable tirée par l'environnement international ? Telles seront, parmi d'autres, les questions qui animeront ce débat.

Enfin, si l'on admet que l'économie française pourra tirer parti d'une reprise mondiale, la croissance sera-t-elle suffisante pour faire face aux contraintes structurelles de notre organisation économique et sociale? C'est la question qui sera traitée durant la dernière table ronde. Face à ce qui apparaît comme de réels défis, on s'interrogera notamment sur l'effet de la croissance économique sur l'emploi et le niveau du chômage, sur l'opportunité d'adopter des politiques spécifiquement orientées vers la résorption du chômage, et encore sur les conséquences des déficits publics et sociaux croissants que nous observons.

Finalement, en clôture de cette journée, Monsieur Champsaur, Directeur Général de l'Insee, apportera des indications conjoncturelles sur la reprise et son analyse des indicateurs qui la mesurent.

Il me reste à vous présenter Monsieur Ouzegdouh, chroniqueur à Radio BFM et ancien rédacteur en chef du Journal des Finances, qui animera les débats tout au long de ce colloque. Avant de lui laisser la place, je voudrais renouveler mes remerciements aux intervenants qui ont accepté de contribuer à nos travaux.

Votre participation nombreuse souligne, s'il était nécessaire, l'actualité et l'importance des thèmes débattus. Cette journée n'est pas conçue comme une série de conférences mais comme un véritable échange d'idées; je vous invite donc à intervenir par vos questions, vos remarques ou vos objections lors de chaque table ronde.

Je vous remercie de votre attention.

Bastien Charpentier
Vice-Président de l’Association des Anciens Elèves de l’Ensae


Sommaire

La rupture financière de 1993 permettra-t-elle la reprise économique Michèle Debonneuil, Patrick Artus, Vivien Lévy Garboua
La France dans la compétition mondiale Jacques Plassard, Bruno Durieux, Jean-Louis Gérondeau
La France face à ses contraintes structurelles Jean-Michel Charpin, Jacques Mistral, Denis Kessler