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13 novembre 2003

Typologie des risques de pays émergents

par Arnaud Millien (94)


La principale caractéristique des pays émergents est l'existence d'un couple rendement / risque élevé. Les perspectives de gains sont essentiellement liées à celle de la forte croissance économique des pays dans lesquels ces marchés opèrent. Les risques observés sur ces marchés combinent des risques traditionnels, propre à toute activité 'investissement, mais également es risques spécifiques dus au caractère émergent de ces marchés.

RISQUE DE CHANGE

Ce risque est inhérent à toute opération d'investissement international. Il traduit le risque de réaliser une perte consécutive à une dépréciation importante de la monnaie locale pour un investissement libellé dans cette monnaie.

Une façon de se prémunir contre ce risque de change est de recourir aux instruments de couverture qui permettent à l'investisseur de se garantir contre une dépréciation du capital investi, due aux seules évolutions des faux de change. On montre toutefois que la performance d'un portefeuille couvert est inférieure à celle d'un portefeuille non couvert.

La réalité des pays émergents n'est pas si simple : de part leur nature incomplète, les instruments de couverture y sont souvent inexistants ou très chers. Par ailleurs, le risque de change se résume parfois à un risque dollar, en raison de la dollarisation manifeste des économies d'Amérique Latine, voire de l'existence d'une parité fixe avec le dollar américain.

RISQUE DE LIQUIDITÉ

La liquidité d'un marché exprime la capacité à réaliser des volumes d'échanges important sans faire décaler les cours ; dans un marché liquide, chaque investisseur peut être considéré comme « price taker ». Dans son acception la plus restreinte, la liquidité exprime la possibilité de trouver à tout instant sur le marché les titres souhaités à l'échange.

Le risque de liquidité n'est pas propre aux pays émergents mais il en est néanmoins un trait majeur, tant il est vrai que l'aspect émergent de ces marchés se manifeste par leur étroitesse à tout point de vue : nombre imité de titres, d'intervenants et de surface financière, contraintes réglementaires, insuffisance d'épargne locale. Le manque de liquidité fait que les investisseurs encourent le risque d'être pris au piège d'achats de titres devenus invendables et contraints à une logique d'investissement à long terme. Ce risque de liquidité est d'autant plus critique que, par essence, il n'est pas diversifiable. En contrepartie, les titres émergents offriraient une rentabilité plus attractive.

L'illiquidité des marchés émergents se manifeste par la concentration de la capitalisation boursière et des transactions sur un faible nombre de titres. Alors que les 10 premières valeurs du marché ne représentent que 13 % de la capitalisation boursière américaine, elles représentent respectivement 30% de la capitalisation indonésienne, 74 % de la capitalisation vénézuélienne. A la concentration des cotes correspond celle des volumes d'échanges : le volume d'échange réalisé sur les 10 titres les plus actifs représente 81 % du volume d'échanges total du Venezuela, 35 % en Indonésie, 56 % au Mexique, 36 % au Brésil et 33 % en Pologne.

L’augmentation de la liquidité



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Figure n°1 : La bourse de New York


des marchés émergents passe par l'augmentation de la capitalisation boursière via les privatisations et de l'accroissement du taux d'autofinancement des entreprises, par l'engagement des investisseurs institutionnels sur ces marchés, et par l'émergence d'une épargne collective locale (sicav, fcp ... ) permettant la mutualisation et la diversification des risques ainsi que la réduction des asymétries d'information.

Le risque politique est le fait de l'instabilité politique, plus fréquente dans les pays émergents. Dans bon nombre d'entre eux, les pouvoirs en place ne sont jamais complètement à l'abri d'un renversement ou de déstabilisations majeures dues à la montée des intégrismes religieux ou à des conflits ethniques.

Par définition, c'est un risque totalement imprévisible, qui recouvre cinq faits générateurs de sinistres : le risque catastrophique, le risque de non﷓paiement d'un débiteur public, le risque de non﷓transfert, le risque de changement de réglementation, le risque de nationalisation.

Ce sont des risques diversifiables puisqu'ils sont décorrélés par nature, décorrélation renforcée par la multipolarisation géopolitique internationale.

RISQUE DE VOLATILITÉ

L'importance des fluctuations de cours est une caractéristique majeure des marchés financiers émergents. Sur 60 mois, la volatilité mensuelle moyenne annualisée des cours a été de 68 % en Argentine(1), 82 % au Brésil, 99% en Pologne, à comparer à la volatilité moyenne de 12 % aux US sur une même durée.

Les causes de cette volatilité sont multiples : la taille réduite et la faible liquidité de ces marchés peuvent transformer des mouvements isolés de faible ampleur en chocs financiers de nature à faire décaler le marché à la hausse comme à la baisse. La volatilité des cours est également due à la sensibilité de ces marchés à des chocs exogènes (cours des matières premières, chocs pétroliers) ou à l'instabilité politique et sociale.

En fait, la volatilité des cours peut être perçue comme une résultante des autres risques. Son historique peut donc être considéré comme une mémoire synthétique des risques passés.

RISQUE OPÉRATIONNEL

Ce risque désigne les conséquences des dysfonctionnements des marchés émergents : informations peu fiables, protections non garanties des droits des actionnaires/investisseurs, manque de transparence du système financier, absence de sécurité lors des opérations de règlement ou de livraison ainsi que lors de la conservation des titres. Ainsi, il n'est pas rare d'observer des dates de valeurs à un mois sur certains marchés asiatiques. Dans un tel contexte, le rôle du conservateur doit être étendu à l'analyse des infrastructures de marché et de l'état du réseau financier local, ainsi qu'à la vérification de l'existence de structures d'audit et de reporting des sociétés cotées, et celle de la qualité de la réglementation locale.

Arnaud MILLIEN, ENSAE 94

(1). Source: IFC, 1994.

(2.) Les opérations de conservation comprennent : la garde des titres, les opérations sur titres, la gestion de trésorerie, le prêt de titres et la liquidation du portefeuille.

Autrice

Arnaud Millien

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