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17 juin 2008

Surfer sur les opportunités en respectant ses envies

Publié par Dominique Ladiray (1985) | N° HS-1 - Hors Série Carrières

Le parcours professionnel de Dominique Ladiray se caractérise par deux carrières dans un premier temps conduites en parallèle et qui se rejoignent depuis quelques années : d’un côté le travail d’administrateur de l’Insee à temps plein ; de l’autre côté, de la recherche en ajustement saisonnier de séries temporelles.

Variances - Dominique, qu’est-ce qui t’amuse dans ton job d’administrateur ?.
Dominique Ladiray - L’outillage, la méthodologie : que ce soit joli ! C’est la réponse au « comment faire » qui m’intéresse, pas vraiment « l’objet » de notre travail ; par exemple, c’est la construction d’une belle courbe de chômage qui me plait, pas le sujet du chômage en tant que tel.
Dès le début de mes premières expériences professionnelles, je m’amusais à constituer de belles séries de logements neufs ; ensuite, j’ai enseigné en Afrique un certain nombre d’outils : des maths, des séries temporelles, de l’analyse des données. J’avais obtenu un poste de coopération au Rwanda financé par la commission européenne.

V. - Quel regard portes-tu sur tes études Ensae ?
D.L. - Un « vrai régal » ces trois ans d’école. Je faisais ce qui me plait le plus : de la méthodologie statistique. A la sortie de l’école, c’est un peu par hasard que je me suis retrouvé sur un poste d’informatique. Un de mes premiers travaux a été de trouver une erreur dans le programme Fortran mettant en œuvre le logiciel de désaisonnalisation X11. Ce thème des séries temporelles ne m’a plus quitté ensuite : j’ai continué de travailler seul en lisant des articles et en écrivant un peu. C’était mon jardin secret pendant mon temps libre.

V. - Comment s’est organisée la suite de ton parcours ?
D.L. - Je deviens ensuite professeur à l’Ensai d’analyse des données et de séries temporelles, puis directeur des études de l’Ensai,. Ensuite, en devenant chef de la division enquête de conjoncture, c’est la première fois que j’utilise mes connaissances méthodologiques dans mon boulot d’administrateur pour produire des indicateurs de court terme. C’est à partir de ce moment là que je commence vraiment à penser à ma carrière. J’ai une idée précise de mes envies, et j’ose dire non quand ce qu’on me propose n’est pas en cohérence avec mes goûts. Du coup, ça se goupille bien. En attendant de réaliser mon envie d’aller au Canada, je fais un an au Crest, puis obtiens un poste de directeur de recherche au Canada. C’est à ce moment là que j’écris un bouquin sur la désaisonnalisation. De fil en aiguille, je me retrouve à Eurostat pour faire de la conjoncture (du now-casting), puis retour au Canada sur un projet basé sur des données fiscales. Je reviens ensuite à l’Insee aux comptes nationaux avant d’être nommé en septembre dernier chef de département de l’industrie et de l’agriculture de l’Insee. Maintenant, mes deux métiers se sont vraiment rejoints.

V. - Qu’est-ce que t’apporte la dimension internationale de ton expertise ?
D.L. - Pendant que j’étais au Canada, j’ai travaillé avec Benoît Quenneville, canadien français ; deux cultures très différentes sur un même sujet, c’est fort riche et compliqué à la fois : rigueur française et pragmatisme canadien.
L’expérience internationale apporte tout dans le métier : l’expérience, le voyage, la rencontre avec des gens étonnants, un peu plus d’argent, animer des groupes de travail, et aussi la reconnaissance institutionnelle…

V. - Quelles sont tes perspectives ?
D.L. - Je n’ai pas de vision de long terme… J’aime surfer sur les opportunités, tout en respectant mes envies et mes goûts. J’aimerais aller quelques années en Australie car il y a là-bas un bon centre en séries temporelles. La Direction de l’Insee à laquelle j’appartiens va également évoluer : mon département va s’occuper du développement des indicateurs de court terme, ce qui va me conduire à beaucoup travailler avec l’Europe et la Direction des Synthèses et des Etudes Economiques.

V. - Comment s’est organisé ton passage au niveau de manager ?
D.L. - De façon assez naturelle. A chaque fois que je venais à la Direction Générale de l’Insee, j’allais parler avec les gens que j’aime bien, juste pour déjeuner ensemble par exemple. J’allais aussi régulièrement voir l’UGC. En fait, il faut toujours rester présent dans l’esprit des gens.
Une fois qu’on est sur des postes de management, on doit être concret, mais il ne faut pas perdre de vue ce pour quoi on est formé : la statistique. Or on n’a pas toujours le temps. C’est une forme de discipline de maintenir son niveau technique tout en progressant en management. Mais, comme souvent, c’est le premier pas qui coûte : quelques années d’investissement et après l’effort est marginal. D’où mon conseil de commencer très jeune à cultiver son jardin.

V. - A propos de la mobilité, quels conseils formulerais-tu ?
D.L. - La mobilité, c’est essentiel. A l’Insee, cette mobilité est très bien organisée. Les postes que j’ai occupés ont duré de 9 mois à 5 ans. Pour apprendre le métier, il faut bouger.

V. - Que veut dire pour toi « garder la main sur sa carrière » ?
D.L. - Garder la main, ça peut vouloir dire trois choses :
- Garder la main sur la rampe, suivre le fil conducteur de ses envies.
- Ne pas perdre son habileté, sa spécificité : cultiver son jardin personnel.
- Garder le contact avec le réseau.
L’administration offre de nombreuses opportunités, des métiers différents. Toutefois cette grande liberté est à double tranchant et présente deux dangers : s’enfoncer confortablement dans le quotidien ; ou s’y briser si on ne respecte pas certaines règles de « savoir-vivre administratif », …
Il y a aussi un équilibre à trouver le plus tôt possible entre intérêt du travail, qualité de la vie et niveau de rémunération.

V. - Quels conseils as-tu envie de donner aux jeunes ?

D.L. - Il faut choisir assez tôt son Graal : un aspect technique du boulot ou autre chose, comme par exemple la gestion des organisations. Puis il faut cultiver son jardin: travailler le sujet et viser une expertise précise en la matière. Il faut être prêt à consacrer du temps et de l’énergie à côté de son travail pour se spécialiser. C’est encore plus important dans l’administration, car le danger c’est d’être pris par la routine. Il y a toujours quelque chose qui n’amuse pas beaucoup, donc pour tenir, faut avoir autre chose !Le travail d’équipe motive aussi beaucoup. Mais je suis également convaincu qu’il faut garder une passion personnelle dans le travail et être ouvert sur l’extérieur. Pour ça, la perspective européenne a été pour moi un bon plan.

Autrice

Dominique Ladiray (1985)

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