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17 juin 2008

Partner d’un grand cabinet de conseil…

Publié par Michel Frédeau, (1982) | N° HS-1 - Hors Série Carrières

Michel Frédeau, (1982), Boston Consulting Group

Variances – Pourrais-tu brièvement nous rappeler ton parcours?

Michel Frédeau - Après l'ENSAE, le travail qu'on me proposait dans la banque ne correspondait pas à ce que je cherchais: c’était très franco-français et il n’y avait pas assez de relationnel. Après mon service militaire, je suis alors parti faire un MBA aux Etats-Unis pour compléter ma formation et m'ouvrir davantage sur l'entreprise. J'y ai découvert le conseil lors d’une présentation, ce qui m’a incité à rencontrer un ancien ENSAE qui était au BCG. J'ai fait un stage d’été à Paris qui s'est conclu par une offre que j'ai acceptée sans hésitation. Je m’y suis senti à l'aise tout de suite, à la fois sur ce qu'on y faisait et sur la façon d'être. Etant de nature très fidèle, je suis revenu au BCG après mon MBA et cela fait maintenant 23 ans que j'y suis.

V. – Ton parcours semble tracé... N’as-tu jamais songé à faire autre chose ?

M.F. - Je n’ai pas du tout le sentiment d’avoir un parcours rectiligne. Certes, je suis resté dans la même entreprise, mais nous avons la chance d’avoir un métier riche à la fois dans les compétences qu’on acquiert, dans le développement personnel qu’il implique et dans les réalisations effectuées. Les challenges sont permanents !
Bien sûr j’ai eu des états d'âme parce que c’est aussi un métier difficile. On est heureux lorsque l’on réussit à maîtriser une étape mais la suivante représente toujours un défi à relever. On reçoit régulièrement des offres attrayantes de la part de certains clients qui apprécient notre travail donc les tentations ne manquent pas ! Quand on choisit de rester c’est donc de façon positive.
Le moment le plus difficile pour moi a été le passage de Partner qui correspond à l’accomplissement d’une première étape de carrière. Je travaillais beaucoup à l’époque pour les Galeries Lafayette et le PDG, Georges Meyer, pour qui j’avais beaucoup d’admiration, m'a proposé un poste très intéressant. C’était une offre unique, mais j'ai décidé de rester au BCG pour deux raisons :
- Partir aurait été un aveu d’échec quant à mon aptitude à passer Partner.
- J'ai toujours eu la chance au cours de ma carrière d'être sollicité pour des postes de plus en plus intéressants ; donc peut-être que cela continuerait et que ce n’était pas le moment de partir.

V. - Quelles sont tes perspectives aujourd’hui ?

M.F. - Cela prend 7 à 8 ans pour passer Partner, puis vous avez 30 ans de carrière devant vous. Il y a une infinité de rôles possibles et de dimensions dans lesquelles on peut se développer. Ce n’est pas parce qu'on est Partner que l'on sait tout faire ! Il faut du temps.

V. –Es-tu satisfait de l’équilibre vie privée / vie professionnelle ?

M.F. - Je suis marié depuis 20 ans et nous sommes ensemble depuis 30 ans. J’ai 3 enfants de 16, 19, et 20 ans. Je suis satisfait de mon équilibre mais il faudrait poser la question à ma femme ! J'ai la chance d'avoir une femme qui travaille et qui est très bien organisée. Il faut être capable de mettre des barrières pour garder du temps consacré à la qualité de la vie de famille. C’est plus ou moins facile selon les moments. Plus on gagne en séniorité, plus on maîtrise son agenda et mieux on gère son temps. Dans le monde du conseil, il est possible de faire des choix pour trouver son équilibre personnel.

V. - Est-ce que tu as dû, à un moment, faire un sacrifice au niveau professionnel pour concilier les deux?

M.F. - De façon explicite, non. J'ai tendance à faire ces arbitrages tout le temps et comme je suis au global satisfait de ce que je fais et des résultats que j'obtiens, je n'ai pas l'impression d'être passé à côté de quelque chose ou d'avoir à faire un effort particulier.
Ma femme a choisi une carrière qui lui permet d'adapter son travail en fonction de ses contraintes personnelles. Centralienne et médecin, elle travaille pour l’assistance publique où elle développe des systèmes experts. Pendant une partie de sa carrière, lorsque les enfants étaient plus jeunes, elle prenait 7 à 9 semaines de vacances. Elle avait une certaine autonomie dans son travail qui lui permettait de travailler avec des horaires non classiques.

V. – Es-tu sensible à cette problématique dans le conseil ?

M.F. - Les jeunes générations demandent plus d'équilibre. Dans le métier du conseil, l'investissement personnel est plus fort à certains moments. Après une promotion par exemple. Mais plus vous avancez, plus vous avez de possibilités dans vos choix de parcours : carrière internationale, prise de responsabilités… Pour les femmes qui nous rejoignent nous avons différentes options, telles que le temps partiel, qui permettent de concilier leurs choix de vie personnels et professionnels. Nous avons de plus en plus de demandes de jeunes pères, mais aussi de personnes qui souhaitent réaliser un projet personnel. Nous n’avons pas le choix aujourd’hui, il faut être capable d’adapter notre façon de travailler pour pouvoir attirer et retenir les meilleurs talents. Dans le conseil nous avons les moyens opérationnels de le faire. Chez nous le nombre d'heures travaillées n'a jamais été un facteur de succès. Les gens qui demandent des heures longues à leurs équipes sont d’ailleurs pénalisés.

V. - La dimension du « faire » ne t’a-t-elle pas manqué dans ton métier ?

M.F. - Je pense qu'il serait faux de considérer qu'il n'y a pas de « faire » dans le conseil et ce serait mentir de dire que le « faire » qu'il y a dans le conseil est comparable au « faire » qu'il y a dans l'opérationnel. Le client nous demande de l'impact, pas seulement des idées, donc nous sommes obligés de nous intéresser aux problématiques de mise en œuvre. Nous ne faisons pas, mais nous participons au « faire », nous ne nous contentons pas de réfléchir. Sur le plan personnel, j’ai toujours eu un goût pour le management et je me suis posé la question, en particulier avant de passer Partner, si le conseil était vraiment adapté à ce que j'avais envie de faire. Mais il se trouve que le BCG, attentif aux désirs et aux besoins de ses collaborateurs, m’a toujours proposé des fonctions et des missions dans lesquelles je pouvais m'exprimer et m'épanouir dans le « faire ». Ma vocation, ce que j'aime faire, ma compétence de base, ce sont les gens. J'adore gérer les gens : les développer, organiser leur travail et les équipes... On m'a donné progressivement des responsabilités liées à la gestion des collaborateurs et puis je me suis retrouvé Responsable du bureau de Paris pendant 7 ans : et ça, c'est quand même une responsabilité opérationnelle ! C'est une équipe de 350 personnes à orchestrer. C’était à l’époque où il a fallu gérer les conséquences de l’explosion de la bulle Internet notamment. Aujourd’hui j’ai des responsabilités dans les ressources humaines, au niveau mondial.

V. - Qu’aurais-tu envie de dire aux jeunes qui sortent de l’ENSAE ?

M.F. - Que le monde professionnel qui s’offre à eux est très ouvert. Il me paraît important de choisir un premier job qui permette de bâtir en termes d'actifs personnels plutôt que de chercher des jobs qui soient tout de suite rémunérateurs ou dans lesquels on se fige. Deux facteurs sont importants pour qu'il y ait un développement personnel satisfaisant : la croissance de l'entreprise et du secteur, et l'attention portée aux personnes pour qu'il y ait un développement personnel qui soit satisfaisant.

Autrice

Michel Frédeau, (1982)

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