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20 septembre 2003

Plusieurs facettes de la maladie : l’exemple du Sida

Publié par Gustavo Gonzaiez Canalis | N° 9 - La Santé en "questions..."

Depuis la première description des cas de Sida en 1981, une nouvelle approche est progressivement la apparue dans le domaine de la santé et en particulier de la santé publique.


Cette maladie est venue bouleverser des certitudes et convictions dans des domaines très différents comme la recherche fondamentale, la médecine, les sciences sociales, la politique, imposant une réflexion et une approche nouvelle pour mieux aborder la problématique ainsi révélée.

En médecine, la prise en charge du Sida a exigé des modifications, parfois profondes, d'ordre institutionnel comme humain.

La durée de l'évolution de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine comme la diversité des tableaux cliniques ont très vite conduit à des essais de classification. Le praticien hospitalier ou de ville est confronté à plusieurs problèmes au cours de cette pathologie chronique et multiforme. Au﷓delà des complexités de diagnostic et de thérapeutique, les difficultés sociales, l'accès aux soins, la confidentialité, le soutien psychologique du patient ou de son entourage sont des difficultés qui se greflent sans cesse au cours de l'évolution de cette maladie. Outre ces problèmes communs, la plupart du temps, à la majorité des patients, il faut tenir également compte des difficultés spécifiques soulevées par la toxicomanie, la femme enceinte séropositive ou l'enfant.

Numéro 9 ﷓ Novembre 1996

Dès le début du suivi, il apparaît nécessaire d'envisager les divers situations et problèmes que le vécu d'une infection par le VIH peut déclencher.

L’histoire naturelle du Sida commence par l'infection par voie sanguine, sexuelle ou verticale (transmission mèreenfant) du VIH, l'établissement de l'infection et de la réponse immunitaire permettant, dans un premier temps, de la contrôler. Uévolution spontanée de l'infection parle VIH peut être divisée en trois phases: la phase aiguë qui dure, quelques semaines; la phase chronique qui dure plusieurs années, caractérisée par une latence clinique (sans signes ni symptômes) mais dans laquelle le virus continue à se multiplier, et la phase finale ou symptomatique qui dure de quelques mois à peu d'années. Lorsqu'elle est cliniquement apparente, la primo-infection peut présenter des signes tels que fièvre, éruption cutanée, céphalées. Le malade n'est habituellement pas vu au cours de cet épisode initial mais l'interrogatoire peut retrouver un antécédent évocateur chez près de 40% des patients permettant ainsi de dater la primo-infection.

Cette maladie présente des particularités qui lui sont propres... En effet, l'absence de symptômes, mais la connaissance de la séropositivité, et donc de la notion d'évolution vers la maladie, modifie radicalement le quotidien des patients.

La découverte de la séropositivité est le premier moment de risque psychologique majeur, et probablement le plus important. L’annonce du diagnostic entraîne une rupture dans la vie affective et sexuelle, grève les possibilités de procréer, laisse présager des atteintes physiques et planer une menace sur l'espérance de vie et l'avenir. Elle renvoie parfois à des questions sur son mode de vie et sur l'origine de la contamination. À ce stade, asymptomatique, la souffrance psychique est souvent la seule chose qui affecte le patient.

Il apparaît la notion d'incertitude par rapport à l'avenir et à la mort. Ceci constitue une des caractéristiques majeures de la situation de séropositivité. Il s'agit de gérer à la fois l'espoir de ne pas devenir malade du Sida et la crainte de voir son état de santé se dégrader brusquement. L’incertitude fondamentale est celle du pronostic et des projets qu'ils peuvent ou non s'autoriser à faire. La perception du temps est profondément perturbée par la contamination. Par ailleurs, vivre avec une maladie grave engage les personnes concernées dans un processus de recomposition de leur identité.

C'est aussi vivre son expérience individuelle de personne contaminée, dans une expérience collective qui est celle d'une maladie infectieuse associée au retour de la contagion et de l'épidémie. En conséquence, l'éruption de cette



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nouvelle maladie permet de mettre en lumière la façon dont une expérience individuelle peut être modelée par le contexte social dans lequel elle se développe, comme une expérience individuelle inscrite dans une histoire collective et sociale.

La phase intermédiaire chronique et asymptomatique, dure plusieurs années et est caractérisée par des anomalies biologiques initialement nulles ou minimes, mais allant croissant avec le temps. Cependant, une partie des malades ne peut être considérée comme parfaitement asymptomatique puisqu'ils sont porteurs d'un syndrome de lymphadénopathies chroniques (augmentation de la taille des ganglions durant plus de trois mois, en l'absence de tout autre étiologie hématologique, infectieuse ou iatrogène). L’évaluation concernant la durée de cette période intermédiaire, c'est﷓à﷓dire le délai entre la primo﷓invasion et l'apparition des premiers signes cliniques, varie. Il est évalué en moyenne entre huit et dix ans mais il faut tenir compte d'une modification de ces données grâce au bénéfice apporté par la thérapeutique qui pourrait allonger encore cette période.

La progression du stade de portage asymptomatique vers le Sida peut être précédée de symptômes cliniques et lors des examens successifs, d'anomalies biologiques. À ce stade, on assiste à une médicalisation de plus en plus importante du quotidien du patient.

La vie est désormais jalonnée par les consultations de suivi, les examens de laboratoire dont les résultats sont attendus avec une grande anxiété, et la possible intromission dans le quotidien des traitements. L’intrusion des traitements au long cours dans la vie des patients est un événement capital. Les implications pratiques, sociales et symboliques ne doivent pas être ignorées. Le sujet, malade ou non, est désormais soumis dans son quotidien à un nouveau rythme qui

dépendra des posologies, du nombre de crises, de la galénique et des effets secondaires éventuels.

Ces prescriptions qui bouleversent la vie sont sources de tension et d'angoisse pour certains, d'espoir et de confiance renouvelés pour d'autres, dont l'impact ne devrait jamais être négligé. Ainsi apparaît intimement liée au suivi régulier d'un patient, la notion de la qualité de vie. Il est donc nécessaire d'intégrer au quotidien de cette prise en charge, les facteurs qui influent sur la qualité de vie, des problèmes nutritionnels aux aspects émotionnels et sociologiques. Et ce, pour une pathologie où la morbidité et le poids du non médical ne sont plus à rappeler.

Aujourd'hui, l'apparition des nouvelles thérapeutiques permet d'espérer des modifications significatives dans l'évolution des patients. Néanmoins, malheureusement, pour certains d'entre eux, des complications graves peuvent survenir. Actuellement, accompagner un patient gravement atteint vers sa fin de vie est parfois nécessaire. Il ne s'agit pas de l'abandonner à sa mort, mais de l'accompagner dans son désir de vivant confronté à sa souffrance et à sa fin. La personne séropositive est considérée quel que soit son état psychique ou physique, comme étant sujet, singulier, vivant, désirant et souffrant, habité d'une histoire qui s'inscrit dansle temps. Les soins ne sont pas que corporels, à ce stade, ils prennent aussi en compte toutes les dimensions psychiques, sociales ou spirituelles de la personne malade. L'approche palliative est donc une approche globale qui cherche à entendre Vautre, y compris au cœur de sa souffrance. L'objectif est, d'une part de répondre, si c'est possible, à ses besoins, d'autre part de l'aider à cheminer dans ses désirs.

Le Sida, maladie de fin du siècle, défi scientifique, espoir thérapeutique, révélateur de nos insuffisances personnelles et institutionnelles, est l'exemple même du chemin qui nous reste à parcourir.

Docteur Gustavo Gonzaiez Canalis, directeur médical, centre intégré de recherches biochimique sur le Sida. Fondation Hôpital Saint-Joseph

Autrice

Gustavo Gonzaiez Canalis

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